LE DISPOSITIF

Ce dont il s’agit, c’est du désir d’analyste en acte pour en éclairer les zones d'ombre et le garder vivace dans la conduite des cures.

Le cadre étant celui de la parole et du langage, un dispositif est en effet nécessaire pour lever la clôture des énoncés ; il consiste en un déplacement organisé des positions énonciatives dans des espaces transférentiels successifs. Travaillé par la fiction du « trait », ce dispositif autorise l’élaboration des différentes fonctions du leurre en psychanalyse : illusion, semblant et fiction.

Il se déploie dans une dimension collective selon trois espace-temps articulés :

1. Le séminaire

Il réunit deux fois par mois des praticiens de l’analyse freudienne en nombre restreint. Il n’est pas public. A chaque séance, un participant expose de sa pratique un ou plusieurs fragments qui lui viennent à dire pour le suspens qu’ils laissent sur son implication en tel ou tel point. L’échange s’établit ensuite entre les participants dans la perspective que puissent se dégager un ou des enjeux transférentiels dont le repérage, immédiat ou le plus souvent après-coup, lui permettra de poursuivre l’analyse de sa pratique là où il s’y attendait le moins et son élaboration théorique là où l’invention le requiert. Le pilotage du séminaire est assuré par un de ses membres ayant eu une expérience suffisamment longue du dispositif : il s’y expose au même titre que les autres participants, c’est lui qui coopte les participants et maintient le cap éthique de cette pratique.

2. Les cartels

Les participants des séminaires qui le souhaitent forment des cartels composés chacun de membres des différents séminaires. Ces cartels ont pour objet de développer plus avant les questions que le séminaire laisse nécessairement en suspens. Ils ont aussi pour tâche de poursuivre l’élaboration du dispositif, de son fonctionnement et de ses effets, et d’animer le travail préparatoire aux séances publiques.

3. La séance publique

Ces déplacements, inspirés de l’invention lacanienne de la Passe, centrent l’enjeu du dispositif sur la pratique quotidienne du psychanalyste. Il vise à affiner l’analyse de ce qui détermine singulièrement le psychanalyste dans sa pratique. Il s’adresse aux praticiens de l’analyse en un temps particulier de leur parcours où se conjoignent en une question éthique la cessation de leur pratique d’analysant et l’au-delà de la demande de contrôle.

De la mise à l’épreuve répétée dans le séminaire par chaque praticien est attendu un effet de transmission – ou mieux, “instituant” – relayé dans le travail de cartel ou à la faveur de la séance publique, pour ceux qui exposent comme pour ceux qui écoutent.

Cette dynamique de mise au travail de l’inconscient du psychanalyste oriente une recherche qui rencontre dans ses dimensions éthique et théorique la question du désir de l’analyste.

L’établissement des règles de fonctionnement du Trait du Cas s’est imposé à partir d’une réflexion, dès 1983-84, sur la question du temps logique et du temps chronologique dans la cure.

Les tentatives occasionnelles de modification du cadre pour des raisons de disponibilité ou d’éloignement (espacement des séminaires, économie du cartel, raréfaction de la séance publique…), n’ont fait que confirmer la pertinence du dispositif en ses trois temps pour qu’il garde sa spécificité de discours de l’analyste en acte.

Au rythme d’une fois par an, les participants des séminaires invitent un public élargi de praticiens de l’analyse pour lui faire part de leur travail, recevoir ses remarques. C’est le temps d’exposition de ce qui s’est élaboré dans l’après-coup des séances du séminaire, au titre des conditions et difficultés de la pratique comme au titre de la démarche théorique incluse dans le dispositif. Ce déplacement et ce changement d’adresse s’accompagnent le plus souvent de cet autre déplacement que constitue le passage à l’écrit.

“Moins de guindage d’autorité… Plus de sécurité pour évoquer le personnel dans la pratique, et notamment le trait du cas”

Jacques Lacan